bridge-between-New-York-Mountain
Good morning New-york city!

Avant propos, avant voyage...
New York city, J-23.
Comment se détourner du regard que l'on m'impose de NYC? Comment éviter les stéréotypes perpétuels infligés sans cesse par les médias populaires? Quel est le bon cheminement à suivre...? Ces questions sont venues à moi il y a quelques temps, lorsque j'avais décidé de franchir le pont outre atlantique, afin de découvrir cette mégalopole. Je m'aperçois de mon retard et de mon ignorance en matière de littérature américaine et de ses auteurs new yorkais... Un peu plus de trois semaines pour lire Paul Auster et James Baldwin, mais motivé... Jacques, Baudrier de ce nom, grâce à ses magnifiques photographies sur la ville, m'a donné les clefs de la cité. Ce ne sont pas celles de la grande porte vers laquelle notre cerveau, perclus par des images construites depuis notre continent, nous guide. J’ai compris qu’il fallait rentrer dans New York comme dans une cabane, avec cette poésie évidente, avec la chaleur d’un foyer et s’y installer comme si l’on était chez soi, en montagne…
Le dépaysement, n’est pas celui que l’on croit. Dans l’embrasure de la petite porte, j’entrevois ce village…
New York city, j-20.
Peu à peu, sereinement, je m’extirpe de ma torpeur cérébrale qui obstruait ma vision de New York. Aujourd’hui et ici, j’arpente les vallées et les monts vers des cieux et des rencontres étonnantes. Demain et là-bas, je déambulerai dans les rues de la cité de large en long, de bas en haut… Mon cheminement sera le même. New Yorker, tu me ressembles. La rencontre sera facile et féconde. Tes rues, qui se prolongent vers des fonds indistincts, sont semblables à mes vallées parfois encaissées. Tes gratte-ciels, occupant inexorablement l’espace, se relèvent tels mes sommets quotidiens déjà gravis. Les lumières de ta ville vacillent à la manière d’une flamme, d’une lueur qui éclaire provisoirement mon livre de chevet « Moon Palace »… Je transhumerai vers toi…
Et si cette métaphore ne visait tout simplement qu’à me rassurer…?
New York city, J-17.
Horizontalité, verticalité, étourdissement des sens. Vision de New York en quatre dimensions. Les images subliminales que me suggère la ville, se superposent sur le blanc immaculé de mes montagnes. Le printemps angoissé me renvoie comme un écho de Lewis Caroll son impatience: « Je suis en retard…, je suis en retard... ! »
Pourtant, j’entends déjà les riffs et les phrasés de Charly Parker et de Dizzy Gillespie. Ces belles mélodies et envolées d’un autre temps qui me guideront dans les clubs de Jazz d’Harlem. Je serai suspendu solennellement à ce blues fleurissant dont la puissance des notes s’achèvera en des effluves vaporeux… Minton Playhouse me voilà.
New York, ne retiens pas ton souffle, attise ma curiosité et dépoussière mes images caricaturales…. Lentement, tes allégories me racontent ton histoire, ton passé, ta situation, ton existence… Bientôt je me fourvoierai en ton sein.
New York city, j-15.
New York …, je désavoue ton énigme et me tourne vers tes évidences. Charly Parker m’accompagnera: ‘‘All the things you are’’… All the things I‘am…, cette chanson qui te ressemble, qui me ressemble. J’envisage de me laisser mouvoir par le flot perpétuel de tes âmes. Les dédales de ta ville ne seront plus que des esplanades à ciel ouvert. Je transformerai les angles droits de tes rues en de tangibles courbes somptueuses. J’admire déjà tes perspectives harmonieuses et te jalouse, toi qui tutoies la voûte céleste…
Edward Hopper tente bien de m’insuffler l’existence persistante du conflit entre la nature et le monde moderne… Entre les montagnes et la ville… ? Non, je ne suis pas un de ses personnages représentatifs, empreints à la nostalgie. Je résiste, je m’en dissuade. Je dois sortir du tableau... Newyorkers, vous n’êtes pas seuls. Ta ville recèle d’infimes parties bigarrées dans lesquelles tu te retrouves…
New York, je croquerai la pomme que tu me tends, comme au premier jour. Mais cette fois, point de culpabilité, uniquement de la jouissance…
New York city, j-12.
New York je me souviens…, je te connais, tu m’es familier. New York, J’ai l’impression d’y être allé, d’y être et d’y retourner. Je ne cesse de scander ton nom dans les couloirs de mes montagnes. Et si un jour, j’ai eu le malheur de t’apostropher, sache que jamais au grand jamais je ne recommencerai.
A la vision de photographies, des reflets de la ville, de Jacques, mon cousin, j’avais, dans une ignorance maladroite, jeté mon dévolu sur ton nombrilisme… Fascination des lumières, envoûtement chatoyant… Et sans doute, dans une jalousie démesurée j’avais interrogé mon cousin :
TB « Très beau. Mais NY ne serait-elle pas narcissique de se mirer ainsi...?
La réponse fut sans équivoque …
JB « New York narcissique ? Je ne pense pas. Les reflets que la ville sème partout, par éclats, sur les façades des immeubles, les vitrines des magasins, les pare-brise des voitures, dans les flaques d'eau, sont autant de portes vers des cieux sans fin et des abîmes sans fond, un monde dépourvu de sens, une sorte de labyrinthe géant qui nous engloutirait, nous égarerait avant de nous restituer plus riche d'inconnu et de mystères. »
Maintenant, ma clairvoyance est à son comble… Et surtout New York, j’aime ton indulgence et ta tolérance.
New York, tu n’es pas qu’un simple graffiti brossé sur les bastions de tes édifices. New York, tu m’habites et comme une obsession, je viens vers toi…
New York, j-10.
New York, Je comprends mieux le prolongement de l’hiver. Mes belles pentes enneigées qui s’inclinent doucement et se déclinent indéfiniment, me permettront de glisser sans brutalité vers toi. Pour mieux m’introduire dans tes quartiers, j’enjamberai sans retenue l’Hudson, l’East river, Harlem river. Je sentirai le flux et le reflux de ta respiration.
Mais auparavant, Le premier pont que j’emprunterai sera cet arc en ciel qui relie mes montagnes à New York city… « Somewhere over the rainbow », les notes de la guitare de Jimi Hendrix me renvoient de belles images et se suspendent au-dessus de l’atlantique. Il me suffira de suivre cette partition ininterrompue et au final te saisir à bras le corps. New York, maintenant tu es à ma portée…
New York, j-8.
J’ai déjà en tête la musicalité de la ville. Lester Young s’échappe des chansons d’Yves Simon et me joue de son saxophone en toute intimité. Je suis en mesure d’écouter les tonalités et les résonnances de la ville. Avec un semblant d’élégance et dans un balancement jazzy, je suivrai le tempo que m’impose New York. Je swinguerai dans les rues sans vaciller. Manhattan, moi aussi je resterai au coin d’une de tes rues et je n’attendrai personne.
En exorde depuis mes cimes, encore ivoirines d’un hiver qui s’étiole tardivement, j’entreprends ce voyage. New York, ton nom évoque, à lui tout seul, la désignation d’une planète, d’une constellation. C’est dans la traversée de ton univers que je poursuivrai ma quête…
Pourtant, New York, je gravite autour de toi et prépare en toute quiétude mon atterrissage. Je quitte doucereusement ton orbite et me laisse saisir irrésistiblement par ton attraction. Je ne discerne plus la frontière entre mes montagnes et le nouveau monde. Là-bas ne sera que le prolongement d’ici…
New York, j-5.
Le compte à rebours est entamé et se rapproche inéluctablement du zéro. Serait-ce les préliminaires d’un départ, d’une jouissance, d’un cri…? Tout bien pesé, je n’en sais encore rien. Ici, je n’ai besoin, ni envie d’autre chose et pourtant, mon attirance croissante pour New York se rapproche d’une extrême tentation dont je ne distingue plus les limites. Vertige d’une rencontre.
Je ne l’attendais pas, je fais un brin de chemin avec oncle Victor, personnage attachant de ‘‘Moon palace’’. Nous marchons dans la quarante deuxième rue, quelques échanges sur la saison des Yankees, des précisions sur un contrat sans ambition dans un vieux club de jazz de Harlem et nous nous séparons en toute simplicité. Sans doute, j’irai comprendre sa musique, éloignée de ses aficionados qui font semblant et assimilent de la même manière la musique et les verres. Une ingurgitation des notes et de la boisson sans signification, à des fins obscures…
New York, je te respire… L’air des cimes enivrantes est la même qui subsiste dans ta sphère. Peu importe le lieu, pourvu que j’ai l’ivresse…
New York j-2.
Le printemps s’affiche enfin. Il a fini par balayer devant sa porte et les résidus de l’hiver ne sont plus que poussières. Changement de saison, changement de décor, changement de lieu… Dans deux jours, je ne serai pas un Embrunais à New York, mais un new-yorker… Je pars pour la première fois, mais Je retrouverai les automatismes de la vie quotidienne. Je saluerai les voisins, me rendrai à la 125th street, chez mon coiffeur, non loin de l’Apollo theater et ensuite direction Manhattan square pour un footing, histoire d’évacuer un peu l’éloignement. Le décalage ne sera que temporel.
A mon arrivée à Newark liberty, mes première parole seront ‘’Drop me off in Harlem’’. Je reprendrai cet aphorisme avec la même musicalité que Duke Ellington et le phrasé d’Ella Fitzgerald… ‘’Drop me off in Harlem… Any place in Harlem. There’s someone waiting there…”.
New York, c’est aussi par un soir de printemps que tu m’entrouvres la porte. Je n’aurai plus qu’à la pousser pour rentrer chez toi ..., chez moi.